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| Les 6 jours de France en lignes | |
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THANRON Bernard PROS
Nombre de messages : 1455 Age : 73 Date d'inscription : 02/09/2008
| Sujet: Les 6 jours de France en lignes Lun 21 Nov - 20:55:29 | |
| 6 jours de France 2016 Bienvenue dans l’univers de l’ultrafondisme. « de la mousson à l’été indien » L’ultrafondisme, vous connaissez ? une forme athlétique de philosophie. dimanche 30 octobre, nous déjeunons dans le jardin, des grruu et krrou annonciateurs du passage des grues migrantes cap au sud-ouest nous font instinctivement lever la tête et apercevoir à notre quasi verticale quelques dizaines de volatiles enroulant un courant d’air chaud afin d’atteindre une nouvelle altitude de vol. Le spectacle offert sur fond de ciel azur est féerique. Nos jambes ont mal, nos corps sont endoloris, nos esprits flottent entre des vagues de sommeil qui nous tombent sur le râble sans prévenir, mais nous sommes heureux, nous venons de rentrer de la 11 e édition des 6 jours de France organisés à Privas ; retour sur Terre, le nez en l’air nous récupérons. Le samedi 7 août 2015 à 16h, fin de la 10 e édition, j’y avais pris goût des pieds à la tête, premier essai transformé passé dans le sillage de mon beau-frère Frédéric LESCURE, compostellien dans l’âme qui m’avait convaincu de « venir essayer les 6 jours » qu’il pratiquait depuis 2010. 2016, nous sommes revenus avec 1 marcheuse de plus…sa sœur qui avait décidé de reporter un dossard et réaliser 1km de plus que les 360km qu’elle avait parcouru en moins de 58 heures de Chalons-en-Champagne à Colmar 16 ans auparavant. 360km + 1 ... en 6 jours tout simplement. 3 mois de préparation le long du canal du Nivernais et sur la piste en cendrée du stade d’Avallon et hop ! ma colmarienne plongeait dans la marmite des 6 jours ! son frère s’est mis en tête de franchir les 500km. 6 jours de France, 6 jours et 6 nuits à marcher ou à courir selon notre gré, notre volonté, nos possibilités, à savoir se reposer aussi ! Les buts de chacun sont divers ; tenter l’aventure de l’Ultrafond, battre un record, améliorer sa performance de l’année passée, participer et terminer dignement marcher ou courir pour une cause. Les marcheurs vont marcher, les coureurs vont courir…puis parfois voire souvent marcher. Cette année, pas de fortes chaleurs, seulement près de 3 journées de pluies diverses et variées pour nous accompagner, de la timide à celle qui vous invite à vous réfugier illico sous le premier abri venu. Dimanche 23 octobre, jour du départ, lever à 7h, exit le bleu azur de la veille, ce matin, l’horizon est bouché, il bruine tranquillement, plus tard, une pluie assurée prendra le relais. Nous sommes sereins mais inquiets, sachant que nos corps nous revaudrons la maltraitance que nous allions leur infliger durant 6 jours d’affilée, mais...la météo finale nous fut favorable. Il pleut depuis des heures, recouverte par 3cm d’eau, la piste est rendue impraticable, allons-nous pratiquer de la marche aquatique ? Le parcours de 1025m est donc réduit à 602m…mais qu’à cela ne tienne ! Nous ne sommes pas perturbés pour autant, à peine…peinés, ne sommes-nous pas là pour tourner 6 jours à notre gré ? Baigner dans une grande fête sportive de 144 heures ? 6 jours de France, la course de ceux qui osent ? donc osons ! Côté organisation, l’ambiance est au beau fixe, la météo s’annonçant meilleure à partir du 4 e jour. Côté participants, les sourires sont à peine crispés, on se reconnaît les uns les autres, les conversations vont bon train, ça va aider à chasser les nuages ! On y croit, peu importe à quoi, mais on y croit. Départ donné à 16h sous une bruine infime, qui rassure chacun ; la température sera clémente au long de ces 3 jours mouillés à venir, une chance ! 20h, le vent a chassé la pluie qui reviendra dans la nuit, le premier Marathon est atteint avant minuit. 1 er matin, lundi, le petit-déjeuner est proposé entre 7 et 8, ce créneau permet à notre trio séparé depuis la veille par les allures et arrêts différents, de se regrouper quelques minutes et d’échanger nos maux et des mots de réconfort, de recharger les batteries à coups de tartines de confitures et de miel. Puis chacun redémarre vers sa destinée pour nous retrouver à 14h et déjeuner. Il en sera ainsi jusqu’au dernier jour. La pluie joue avec nous comme un chat avec une souris. Le deuxième Marathon est passé. 2 e jour, magnifique atmosphère de fin du monde, le paysage passe par toutes les tonalités de gris, peintres et photographes pourraient s’en donner à cœur joie, mais nous sommes compétiteurs. La veste anti-pluie est toujours impérative, les flaques d’eau de la veille et l’avant-veille ont pris de l’ampleur, les éviter les contourner devient une tâche subtile à effectuer, à moins de se noyer les pieds avec les risques encourus de sentir plus tard l’apparition de phlyctènes fulgurantes. Afin d’éviter la noyade des pieds, j’applique une tactique qui s’avèrera payante: réduire la foulée quelques mètres avant l’obstacle pour attaquer du talon au milieu de la flaque et dérouler avec application, ainsi les éclaboussures et pieds détrempés sont évités. Voici quelques gouttes…suivies d’une giboulée qui s’accélère pour céder la place à un coup de tabac suivi d’un véritable déluge, les bourrasques de vent viennent compléter le tout, j’aperçois le regard soucieux de Gérard CAIN le responsable, scrutant et chassant la moindre formation de poche d’eau sur les toiles, rectifiant parfois les fixations des stands bousculés par les rafales. Au plus fort de l’averse, les bénévoles chassent les inondations à grands renforts de coups de pelles balais raclettes, débouchant fébrilement même les regards d’écoulement. Laurent ARMAND le bagnard était rudement à la tâche. Nous serons des dizaines à nous arrêter de longues minutes à l’abri des stands, seuls quelques compétiteurs continuent de tourner…je vois ainsi passer, digne et imperturbable, le néo-zélandais londonien Richard MC CHESNEY en piste vers le record du pays des kiwis. Les 100km sont dépassés puis le 3 e Marathon. Sous cette pluie battante, Frédéric passe, motivé par sa volonté de franchir samedi les 500km…suivi d’Elisa, bien partie pour ses 361km dans son style de routière si caractéristique; ils semblent indestructibles mais je ne puis m’empêcher d’imaginer l’état de leurs pieds dans quelques heures. Bien à l’abri du stand de ravitaillement, je compte moins de dix coureurs et marcheurs tournant sous ce déluge. La séance des éléments déchaînés durera plus d’une heure et demie. 3 e jour Le ciel gris moins chargé en eau est progressivement remplacé par des nuages clairs et lumineux annonciateurs du temps meilleur annoncé au départ. En fin de matinée, quelques fenêtres de ciel bleu apparaissent, des brins de soleil percent ça et là. Le mental jusque-là en résistance devient détendu, plus radieux. A ce stade de l’épreuve, de nombreux coureurs alternent course et marche. Certains l’applique avec bonheur ; ainsi Christelle VINCENT, Laurence SUISSE, Florence GAY des aigles de Pau, Maria PIERRE, la brésilienne Renata VIDAL, Dany AMOUROUX, Magalie BAARS, l’argentin Eduardo PEREZ entre autres. Leur chance est d’avoir le choix, nous, non… 15h55 les 15 inscrits aux 72h sont dans les starting blocks . Le ciel est beau. L’ambiance au départ est euphorique, à nos passages, nous sommes applaudit encouragés et littéralement portés par les futurs participants et la foule présente, les commentaires nous transcendent. C’est chaud ! 16h ils sont partis ! dans moins de 72h c’est l’arrivée, le point d’orgue des 6 jours est passé, en route pour le final ! 4 e jour Coureurs et marcheurs ne font plus qu’un. Les visages sont marqués, les regards hyper-concentrés parfois égarés, plantés dans la piste ou échappé loin devant très loin. Les corps se tassent et se redressent au rythme des bras. Que le compétiteur soit allemand, américain, anglais, argentin, australien, brésilien, écossais, espagnol, italien, japonais, norvégien, slovaque, suisse, tchèque, dans l’effort, la difficulté, les douleurs fugaces, l’accumulation de fatigue, la défaillance éphémère, la solidarité est internationale et partagée. Les « aller » échangés des uns aux autres sont sagement mémorisés pour les futurs moments de grande solitude. Les genoux deviennent douloureux, un changement de chaussures s’impose, les appuis seront nouveaux et meilleurs, la découverte de petites ampoules en formation fait que je prends le temps de les traiter. J’en profite pour me changer, repartir propre de la tête aux pieds apporte un confort fort profitable. Les 3 japonais Satoru IWATA, Makoto KOSHITA et Toshio OHMORI se regroupent souvent pour discuter, seul Makoto parle un peu anglais, je l’encourage puis il traduit à ses voisins qui m’encouragent en japonais…l’apprentissage commence…Dans la deuxième nuit, en trébuchant, Toshio était tombé sérieusement, s’était relevé, appliqué une compresse sur son bras droit et reparti…la douleur le faisant arrêter aux soins, le médecin l’emmena aux urgences…diagnostic, fracture d’une phalange…soins…points de sutures…au matin du 3 e jour, Toshio était de retour pour terminer les 6 jours, bras bandé en écharpe…sidérante culture japonaise au sourire éternel ! Alain BURGER, Jaroslav PRUCKNER, Philippe CLEMENT, Patrick CAILLEAUX, Benoit LINARD, Pascal MASSON, Catherine DUBOIS D’ENGHIEN, Bernard BOULITEAU et tant d’autres… « aller ! » nous nous encouragions mutuellement, finalement les 6 jours de France sont un merveilleux terrain d’échange d’encouragements perpétuels, merci ! Christophe BIET tient la tête talonné par Patrick CAILLEAUX, moins de 7km séparera les deux marcheurs à l’arrivée. Dominique BERT marche à sa main, avec des hauts avec des bas, comme nous tous, mais contrairement à l’an passé, Dominique tiendra. 5 e jour Nous tournons dans la lumière rose et bleue du ciel, quelle étrange sensation de bien-être et de profonde récupération ! Je relève le nez de la piste pour apercevoir, le dernier croissant de lune tel une lame de faucille surmontant l’étoile du matin. Je m’en délecte jusqu’au lever du soleil sur les hauteurs environnantes. Si nos corps se plaignent, nos esprits sont plus loin. L’ultrafondisme est réjouissant. Demain matin, nous marcherons tout à la sensation ! A 19h Elisabeth a rempli aisément son contrat, 361km… elle ne peut plus que continuer. Plus tard elle confiera avoir eu l’ impression d’une grande aisance à réaliser son parcours de 414km. Nous tournions, et pendant ce temps-là, un entraînement de rugby se déroulait sur la pelouse du stade. Les packs s’échauffaient à force de pompes, impressionnant spectacle de voir ces gaillards en appui sur les avant-bras descendre et remonter comme un seul homme au son des ordres de l’entraîneur, les dos fumaient. Entraînement à la touche puis en mêlée, le tout finalisé par un mini match. La puissance était là et j’en ralentissais pour savourer le spectacle offert par les joueurs. L’âme du ballon ovale flottait dans l’air ce vendredi soir, un délice sportif ! Le coureur argentin Eduardo PEREZ passe puis se transforme en marcheur, son rythme m’interpelle et nous passerons une dizaine de tours à nous entraîner mutuellement, Eduardo rythme grand fond, souffle grand fond, cadence grand fond, à tour de rôle nous nous encourageons pour emmener l’autre et ça marche ! Vamos vamos ! Dernier jour, le ciel est bleu azur, une ambiance euphorique envahit le site. Nos maux – ampoules tendinites douleurs trapézoïdales etc…- semblent n’avoir jamais existé, ils patienteront bien jusqu’à l’arrivée.. Le columérin Patrick MACCARI est venu se caler dans ma foulée. Sans me retourner, je l’ai deviné se rapprocher. Je sais qu’il vise les plus de 500km, je vise une deuxième arrivée, nous sommes dans deux scénarios différents, il n’empêche qu’au moment où il me dépasse au pied des tribunes, je décide subitement de m’accrocher à son train trop rapide pour moi il est vrai, mais à 5h de l’arrivée, que peut-il nous arriver ? La joute durera 7 tours à se passer et repasser, les regards concentrés calés sur le sol, puis sur une ultime accélération, Patrick prendra une vingtaine de mètres d’avance me faisant même signe de revenir sur lui mais je ne pouvais plus revenir…Ces instants fous à se mesurer pour le fun furent un pur plaisir de marche. En relâchant, je pus m’apercevoir que certains coureurs en faisait autant, sprinter ou se tirer la bourre après 5 jours et 20 heures d’épreuve, des ultrafondistes lâchaient sans compter toute la vapeur qui leur restait ! Notre trio se reforme pour la dernière heure. La fête peut commencer. L’ambiance à chaque passage de la ligne finale est digne de celles des cols du Tour De France, nous en ressortons emplis d’émotion, larmes et éclats de rire garantis. Claudie BIZARD franchi la barre des 600km arrivant à 13km du record mondial de la vosgienne Claudine ANXIONNAT établi ici en 2014. Je ne serai pas surpris de retrouver la thiaisienne au départ de l’édition 2017 avec une sacrée idée en tête ! Depuis le départ, les bénévoles ont été attentionnés de tous les instants, une certaine connivence bienfaitrice s’était construite au fur et à mesure des tours avec les équipes de ravitaillement, échanges de bons mots, clins d’œil complices, encouragements de part et d’autre. Le service ravitaillement était « tip top », merci aux chefs cuisiniers et leurs équipiers, imaginatifs au possible ! Il y a des choses pour lesquelles, plusieurs participations sont nécessaires pour les apprécier pleinement. Aux 6 jours de France, le coup de foudre est immédiat et le sortilège s’infiltre en vous à y revenir tant que vous pourrez. 6 jours de France, la course de ceux qui osent…osons encore et encore ! vrai ! 6 jours de France c’est : plaisir, endurance, dépassement, persévérance, abnégation, volonté, émotion…vrai ! 6 jours de France ? un plaisir de longue durée ! un long plaisir ultrafondé… L’ultrafond des 6 jours est un savant jeu d’équilibre à dépasser ses propres horizons et pousser le corps à la frontière du supposé k.o., juste à la frontière, parfois dans le no man’s land de l’inconnu mais en étant parfaitement conscient de son état, le mental lui, est déjà bien au-delà. Rendez-vous du 20 au 26 août 2017 au stade du Lac à Privas capitale du marron glacé et de la crème de marron, un magnifique reconstituant ! B.Th. _________________ Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador) J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France) “Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char[/i] Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.
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| | | le cameraman du P-C ESPOIR
Nombre de messages : 601 Age : 69 Date d'inscription : 10/01/2007
| Sujet: Re: Les 6 jours de France en lignes Mer 23 Nov - 5:03:58 | |
| Bonjour ou bonsoir, à toi de choisir.
Merci Bernard pour cette belle histoire racontée avec le vécu.
J'ai bien l'intention d'être présent en 2017.
Otello | |
| | | MESMOUDI ESPOIR
Nombre de messages : 322 Age : 64 Date d'inscription : 24/01/2009
| Sujet: Re: Les 6 jours de France en lignes Jeu 24 Nov - 18:17:41 | |
| - THANRON Bernard a écrit:
- 6 jours de France 2016 Bienvenue dans l’univers de l’ultrafondisme.
« de la mousson à l’été indien » L’ultrafondisme, vous connaissez ? une forme athlétique de philosophie. dimanche 30 octobre, nous déjeunons dans le jardin, des grruu et krrou annonciateurs du passage des grues migrantes cap au sud-ouest nous font instinctivement lever la tête et apercevoir à notre quasi verticale quelques dizaines de volatiles enroulant un courant d’air chaud afin d’atteindre une nouvelle altitude de vol. Le spectacle offert sur fond de ciel azur est féerique. Nos jambes ont mal, nos corps sont endoloris, nos esprits flottent entre des vagues de sommeil qui nous tombent sur le râble sans prévenir, mais nous sommes heureux, nous venons de rentrer de la 11e édition des 6 jours de France organisés à Privas ; retour sur Terre, le nez en l’air nous récupérons. Le samedi 7 août 2015 à 16h, fin de la 10e édition, j’y avais pris goût des pieds à la tête, premier essai transformé passé dans le sillage de mon beau-frère Frédéric LESCURE, compostellien dans l’âme qui m’avait convaincu de « venir essayer les 6 jours » qu’il pratiquait depuis 2010. 2016, nous sommes revenus avec 1 marcheuse de plus…sa sœur qui avait décidé de reporter un dossard et réaliser 1km de plus que les 360km qu’elle avait parcouru en moins de 58 heures de Chalons-en-Champagne à Colmar 16 ans auparavant. 360km + 1 ... en 6 jours tout simplement. 3 mois de préparation le long du canal du Nivernais et sur la piste en cendrée du stade d’Avallon et hop ! ma colmarienne plongeait dans la marmite des 6 jours ! son frère s’est mis en tête de franchir les 500km. 6 jours de France, 6 jours et 6 nuits à marcher ou à courir selon notre gré, notre volonté, nos possibilités, à savoir se reposer aussi ! Les buts de chacun sont divers ; tenter l’aventure de l’Ultrafond, battre un record, améliorer sa performance de l’année passée, participer et terminer dignement marcher ou courir pour une cause. Les marcheurs vont marcher, les coureurs vont courir…puis parfois voire souvent marcher. Cette année, pas de fortes chaleurs, seulement près de 3 journées de pluies diverses et variées pour nous accompagner, de la timide à celle qui vous invite à vous réfugier illico sous le premier abri venu. Dimanche 23 octobre, jour du départ, lever à 7h, exit le bleu azur de la veille, ce matin, l’horizon est bouché, il bruine tranquillement, plus tard, une pluie assurée prendra le relais. Nous sommes sereins mais inquiets, sachant que nos corps nous revaudrons la maltraitance que nous allions leur infliger durant 6 jours d’affilée, mais...la météo finale nous fut favorable. Il pleut depuis des heures, recouverte par 3cm d’eau, la piste est rendue impraticable, allons-nous pratiquer de la marche aquatique ? Le parcours de 1025m est donc réduit à 602m…mais qu’à cela ne tienne ! Nous ne sommes pas perturbés pour autant, à peine…peinés, ne sommes-nous pas là pour tourner 6 jours à notre gré ? Baigner dans une grande fête sportive de 144 heures ? 6 jours de France, la course de ceux qui osent ? donc osons ! Côté organisation, l’ambiance est au beau fixe, la météo s’annonçant meilleure à partir du 4e jour. Côté participants, les sourires sont à peine crispés, on se reconnaît les uns les autres, les conversations vont bon train, ça va aider à chasser les nuages ! On y croit, peu importe à quoi, mais on y croit. Départ donné à 16h sous une bruine infime, qui rassure chacun ; la température sera clémente au long de ces 3 jours mouillés à venir, une chance ! 20h, le vent a chassé la pluie qui reviendra dans la nuit, le premier Marathon est atteint avant minuit. 1er matin, lundi, le petit-déjeuner est proposé entre 7 et 8, ce créneau permet à notre trio séparé depuis la veille par les allures et arrêts différents, de se regrouper quelques minutes et d’échanger nos maux et des mots de réconfort, de recharger les batteries à coups de tartines de confitures et de miel. Puis chacun redémarre vers sa destinée pour nous retrouver à 14h et déjeuner. Il en sera ainsi jusqu’au dernier jour. La pluie joue avec nous comme un chat avec une souris. Le deuxième Marathon est passé. 2e jour, magnifique atmosphère de fin du monde, le paysage passe par toutes les tonalités de gris, peintres et photographes pourraient s’en donner à cœur joie, mais nous sommes compétiteurs. La veste anti-pluie est toujours impérative, les flaques d’eau de la veille et l’avant-veille ont pris de l’ampleur, les éviter les contourner devient une tâche subtile à effectuer, à moins de se noyer les pieds avec les risques encourus de sentir plus tard l’apparition de phlyctènes fulgurantes. Afin d’éviter la noyade des pieds, j’applique une tactique qui s’avèrera payante: réduire la foulée quelques mètres avant l’obstacle pour attaquer du talon au milieu de la flaque et dérouler avec application, ainsi les éclaboussures et pieds détrempés sont évités. Voici quelques gouttes…suivies d’une giboulée qui s’accélère pour céder la place à un coup de tabac suivi d’un véritable déluge, les bourrasques de vent viennent compléter le tout, j’aperçois le regard soucieux de Gérard CAIN le responsable, scrutant et chassant la moindre formation de poche d’eau sur les toiles, rectifiant parfois les fixations des stands bousculés par les rafales. Au plus fort de l’averse, les bénévoles chassent les inondations à grands renforts de coups de pelles balais raclettes, débouchant fébrilement même les regards d’écoulement. Laurent ARMAND le bagnard était rudement à la tâche. Nous serons des dizaines à nous arrêter de longues minutes à l’abri des stands, seuls quelques compétiteurs continuent de tourner…je vois ainsi passer, digne et imperturbable, le néo-zélandais londonien Richard MC CHESNEY en piste vers le record du pays des kiwis. Les 100km sont dépassés puis le 3e Marathon. Sous cette pluie battante, Frédéric passe, motivé par sa volonté de franchir samedi les 500km…suivi d’Elisa, bien partie pour ses 361km dans son style de routière si caractéristique; ils semblent indestructibles mais je ne puis m’empêcher d’imaginer l’état de leurs pieds dans quelques heures. Bien à l’abri du stand de ravitaillement, je compte moins de dix coureurs et marcheurs tournant sous ce déluge. La séance des éléments déchaînés durera plus d’une heure et demie. 3e jour Le ciel gris moins chargé en eau est progressivement remplacé par des nuages clairs et lumineux annonciateurs du temps meilleur annoncé au départ. En fin de matinée, quelques fenêtres de ciel bleu apparaissent, des brins de soleil percent ça et là. Le mental jusque-là en résistance devient détendu, plus radieux. A ce stade de l’épreuve, de nombreux coureurs alternent course et marche. Certains l’applique avec bonheur ; ainsi Christelle VINCENT, Laurence SUISSE, Florence GAY des aigles de Pau, Maria PIERRE, la brésilienne Renata VIDAL, Dany AMOUROUX, Magalie BAARS, l’argentin Eduardo PEREZ entre autres. Leur chance est d’avoir le choix, nous, non… 15h55 les 15 inscrits aux 72h sont dans les starting blocks . Le ciel est beau. L’ambiance au départ est euphorique, à nos passages, nous sommes applaudit encouragés et littéralement portés par les futurs participants et la foule présente, les commentaires nous transcendent. C’est chaud ! 16h ils sont partis ! dans moins de 72h c’est l’arrivée, le point d’orgue des 6 jours est passé, en route pour le final ! 4e jour Coureurs et marcheurs ne font plus qu’un. Les visages sont marqués, les regards hyper-concentrés parfois égarés, plantés dans la piste ou échappé loin devant très loin. Les corps se tassent et se redressent au rythme des bras. Que le compétiteur soit allemand, américain, anglais, argentin, australien, brésilien, écossais, espagnol, italien, japonais, norvégien, slovaque, suisse, tchèque, dans l’effort, la difficulté, les douleurs fugaces, l’accumulation de fatigue, la défaillance éphémère, la solidarité est internationale et partagée. Les « aller » échangés des uns aux autres sont sagement mémorisés pour les futurs moments de grande solitude. Les genoux deviennent douloureux, un changement de chaussures s’impose, les appuis seront nouveaux et meilleurs, la découverte de petites ampoules en formation fait que je prends le temps de les traiter. J’en profite pour me changer, repartir propre de la tête aux pieds apporte un confort fort profitable. Les 3 japonais Satoru IWATA, Makoto KOSHITA et Toshio OHMORI se regroupent souvent pour discuter, seul Makoto parle un peu anglais, je l’encourage puis il traduit à ses voisins qui m’encouragent en japonais…l’apprentissage commence…Dans la deuxième nuit, en trébuchant, Toshio était tombé sérieusement, s’était relevé, appliqué une compresse sur son bras droit et reparti…la douleur le faisant arrêter aux soins, le médecin l’emmena aux urgences…diagnostic, fracture d’une phalange…soins…points de sutures…au matin du 3e jour, Toshio était de retour pour terminer les 6 jours, bras bandé en écharpe…sidérante culture japonaise au sourire éternel ! Alain BURGER, Jaroslav PRUCKNER, Philippe CLEMENT, Patrick CAILLEAUX, Benoit LINARD, Pascal MASSON, Catherine DUBOIS D’ENGHIEN, Bernard BOULITEAU et tant d’autres… « aller ! » nous nous encouragions mutuellement, finalement les 6 jours de France sont un merveilleux terrain d’échange d’encouragements perpétuels, merci ! Christophe BIET tient la tête talonné par Patrick CAILLEAUX, moins de 7km séparera les deux marcheurs à l’arrivée. Dominique BERT marche à sa main, avec des hauts avec des bas, comme nous tous, mais contrairement à l’an passé, Dominique tiendra. 5e jour Nous tournons dans la lumière rose et bleue du ciel, quelle étrange sensation de bien-être et de profonde récupération ! Je relève le nez de la piste pour apercevoir, le dernier croissant de lune tel une lame de faucille surmontant l’étoile du matin. Je m’en délecte jusqu’au lever du soleil sur les hauteurs environnantes. Si nos corps se plaignent, nos esprits sont plus loin. L’ultrafondisme est réjouissant. Demain matin, nous marcherons tout à la sensation ! A 19h Elisabeth a rempli aisément son contrat, 361km… elle ne peut plus que continuer. Plus tard elle confiera avoir eu l’ impression d’une grande aisance à réaliser son parcours de 414km. Nous tournions, et pendant ce temps-là, un entraînement de rugby se déroulait sur la pelouse du stade. Les packs s’échauffaient à force de pompes, impressionnant spectacle de voir ces gaillards en appui sur les avant-bras descendre et remonter comme un seul homme au son des ordres de l’entraîneur, les dos fumaient. Entraînement à la touche puis en mêlée, le tout finalisé par un mini match. La puissance était là et j’en ralentissais pour savourer le spectacle offert par les joueurs. L’âme du ballon ovale flottait dans l’air ce vendredi soir, un délice sportif ! Le coureur argentin Eduardo PEREZ passe puis se transforme en marcheur, son rythme m’interpelle et nous passerons une dizaine de tours à nous entraîner mutuellement, Eduardo rythme grand fond, souffle grand fond, cadence grand fond, à tour de rôle nous nous encourageons pour emmener l’autre et ça marche ! Vamos vamos ! Dernier jour, le ciel est bleu azur, une ambiance euphorique envahit le site. Nos maux – ampoules tendinites douleurs trapézoïdales etc…- semblent n’avoir jamais existé, ils patienteront bien jusqu’à l’arrivée.. Le columérin Patrick MACCARI est venu se caler dans ma foulée. Sans me retourner, je l’ai deviné se rapprocher. Je sais qu’il vise les plus de 500km, je vise une deuxième arrivée, nous sommes dans deux scénarios différents, il n’empêche qu’au moment où il me dépasse au pied des tribunes, je décide subitement de m’accrocher à son train trop rapide pour moi il est vrai, mais à 5h de l’arrivée, que peut-il nous arriver ? La joute durera 7 tours à se passer et repasser, les regards concentrés calés sur le sol, puis sur une ultime accélération, Patrick prendra une vingtaine de mètres d’avance me faisant même signe de revenir sur lui mais je ne pouvais plus revenir…Ces instants fous à se mesurer pour le fun furent un pur plaisir de marche. En relâchant, je pus m’apercevoir que certains coureurs en faisait autant, sprinter ou se tirer la bourre après 5 jours et 20 heures d’épreuve, des ultrafondistes lâchaient sans compter toute la vapeur qui leur restait ! Notre trio se reforme pour la dernière heure. La fête peut commencer. L’ambiance à chaque passage de la ligne finale est digne de celles des cols du Tour De France, nous en ressortons emplis d’émotion, larmes et éclats de rire garantis. Claudie BIZARD franchi la barre des 600km arrivant à 13km du record mondial de la vosgienne Claudine ANXIONNAT établi ici en 2014. Je ne serai pas surpris de retrouver la thiaisienne au départ de l’édition 2017 avec une sacrée idée en tête ! Depuis le départ, les bénévoles ont été attentionnés de tous les instants, une certaine connivence bienfaitrice s’était construite au fur et à mesure des tours avec les équipes de ravitaillement, échanges de bons mots, clins d’œil complices, encouragements de part et d’autre. Le service ravitaillement était « tip top », merci aux chefs cuisiniers et leurs équipiers, imaginatifs au possible ! Il y a des choses pour lesquelles, plusieurs participations sont nécessaires pour les apprécier pleinement. Aux 6 jours de France, le coup de foudre est immédiat et le sortilège s’infiltre en vous à y revenir tant que vous pourrez. 6 jours de France, la course de ceux qui osent…osons encore et encore ! vrai ! 6 jours de France c’est : plaisir, endurance, dépassement, persévérance, abnégation, volonté, émotion…vrai ! 6 jours de France ? un plaisir de longue durée ! un long plaisir ultrafondé… L’ultrafond des 6 jours est un savant jeu d’équilibre à dépasser ses propres horizons et pousser le corps à la frontière du supposé k.o., juste à la frontière, parfois dans le no man’s land de l’inconnu mais en étant parfaitement conscient de son état, le mental lui, est déjà bien au-delà. Rendez-vous du 20 au 26 août 2017 au stade du Lac à Privas capitale du marron glacé et de la crème de marron, un magnifique reconstituant ! B.Th. Merci Bernard de nous avoir partagé un peu de cette formidable émotion avec la mélodie et les couleurs de tes mots qui nous enchantent à nouveau, merci de nous avoir commenté avec toute ta passion cette épreuve qui mérite qu'on la fasse connaitre. | |
| | | THANRON Bernard PROS
Nombre de messages : 1455 Age : 73 Date d'inscription : 02/09/2008
| Sujet: Re: Les 6 jours de France en lignes Ven 25 Nov - 12:18:40 | |
| _________________ Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador) J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France) “Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char[/i] Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.
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| | | Admin Admin
Nombre de messages : 6962 Age : 38 Date d'inscription : 10/08/2005
| Sujet: Re: Les 6 jours de France en lignes Lun 4 Déc - 23:42:56 | |
| Avec bernard les plus beaux recits de Marche _________________ cybermarcheur pour votre discipline | |
| | | THANRON Bernard PROS
Nombre de messages : 1455 Age : 73 Date d'inscription : 02/09/2008
| Sujet: Re: Les 6 jours de France en lignes Mar 5 Déc - 13:27:15 | |
| _________________ Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador) J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France) “Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char[/i] Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.
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