Pour tous ceux, marcheurs et coureurs, qui vont affronter dans quelques jours les Six jours de France :
VOYAGE AU BOUT DE SOI-MÊME…
À moins d'un gros pépin de préparation de dernière minute, je participerai, pour la cinquième fois, du 23 au 29 octobre, à une course hors normes : LES SIX JOURS DE FRANCE initiée et orchestrée de main de maître par Gérard Cain…
Le principe : parcourir en six jours et six nuits (soit 144 H), en marchant et en courant, le maximum de kilomètres sur un circuit de 1 025 m en gérant son sommeil et son alimentation, sans contrainte aucune. Version moderne de "On achève bien les chevaux" disent certains, je dirai plus simplement voyage au bout de soi-même en toute simplicité. Plus de détails ici :
http://www.6jours-de-france.fr
Mon objectif est modeste. Les meilleurs feront plus de 800 km, mais à 60 piges et avec une activité d'éditeur prenante et chronophage, il faut modérer ses ambitions ! Pour moi, il sera question, cette année, de parcourir 500 km voire de les dépasser.
Certains me demandent parfois ce que je peux trouver comme intérêt à m'exciter tel un rat de laboratoire transpirant sur mon circuit, en faisant supporter successivement à mon corps toutes les étapes qu'un tel défi impose (je vous passerai les étapes parfois peu ragoûtantes qui jalonnent une telle aventure).
À cela, j'apporte ici quelques réponses :
1° Ce genre de défi, inutile au premier abord, nous ramène au sport dans sa plus noble conception. Tous (les 170 forçats du bitume qui allons y participer) le faisons sans aucune compensation financière (au contraire, nous payons pour le faire), juste pour la beauté du geste et pour une fierté et une satisfaction personnelles (j'ai osé/je l'ai fait) qui n'ont que faire des substrats boiteux et artificiels des sports médiatiques où l'argent est roi et où il faut écraser l'autre à tout prix. La plupart de ceux qui participent à ce défi, du moins je l'espère, ne le font pas dans un esprit de compétition CONTRE les autres, mais en vue de se prouver à soi-même que l'on est capable d'assouvir son propre objectif.
2° C'est aussi et avant tout un voyage intérieur bien plus qu'un voyage dans l'espace, un voyage au bout de soi, de son corps, de son mental, de ses ambitions, un flirt avec les limites, un rendez-vous impitoyable avec un corps encore vert ou déjà vieillissant, une surprenante succession de sensations inattendues, la preuve que chacun est capable, pour peu qu'il soit solide mentalement, de trouver des ressources en soi insoupçonnées malgré le temps qui passe.
3° C'est aussi une belle histoire d'amitié entre des gens, hommes et femmes, jeunes et vieux, d'une vingtaine de nations et des cinq continents qui partagent la même passion, avec le même entrain, qui vont parler, rire, pleurer, jouir ou supporter la douleur ensemble durant six jours et six nuits. Une expérience d'autant plus gratifiante qu'elle est gratuite.
4° Personnellement, en tant qu'éditeur (et donc supposé travailleur intellectuel), c'est aussi une façon de prouver que travailler le corps et l'esprit sont complémentaires et non antagonistes comme on essaie souvent de nous le faire avaler, qu'à la façon des Grecs antiques qui réunissaient dans un même élan les poètes lyriques et les sportifs, il est possible d'allier les joies de l'esprit à celles de l'effort dans un même mouvement.
5° Enfin, je trouve que cette entreprise extrême (bien qu'à la portée de tous avec une bonne préparation et de la volonté) est avant tout un assez bon condensé de l'absurdité intrinsèque de la vie : nous arrivons, nous courons et nous allons finir notre défi (notre vie ou cette course) sans jamais vraiment savoir pourquoi nous l'avons vécue et endurée, avec juste, à son terme, les sensations de joie ou de regret d'avoir ou de ne pas avoir fait ce qu'il fallait pour la réussir.
JACQUES FLAMENT