THANRON Bernard PROS
Nombre de messages : 1455 Age : 73 Date d'inscription : 02/09/2008
| Sujet: 8h d'Etampes-sur-Marne 2015 Ressenti Ven 7 Nov - 15:39:18 | |
| 2014 8h d’Etampes-sur-Marne 15ème édition Dimanche 19 octobre Menu du jour 8h en individuel ou en équipe- 20km300 - 5800m 2100m 1260m pour les jeunes - Marche populaireAlléchant ? et bien malgré ce joli choix proposé, force est de constater que la marche sportive ou athlétique n’attire pas les foules, le sport-écran-divan asphyxie le sport. Heureusement, les gens de terrain sont là, nous pratiquons notre sport en petit comité depuis des années, où est le vice ?. Ce dimanche, 28 dossards individuels - 3 équipes (deux de 3 relayeurs - un couple…nous) ont tourné sur les 2900m du superbe parcours technique à souhait. Côté compétiteurs, l’excuse du France des 100km dimanche suivant à Ligny a été une fausse-barbe. De toute façon Ligny n’a vu s’aligner que 19 hommes et 11 femmes, avoir intitulé un France « championnats nationaux » n’a rien d'affriolant alors que le titre championnat de France aurait une autre gu…. ! Mais les décideurs ne sont sans doute pas compétiteurs ou ont perdus leur âme dans un couloir…de bureau. La peur de la blessure, d’une fatigue de trop, d’y laisser un peu ce fameux jus cher à beaucoup, de ne pas avoir récupéré etc… pffff ! 8h 8 jours avant un France, voilà une belle sortie, si on se sent assez fort et prêt, on le fait, sinon, il y a le concours de loto… Le deuxième des 8h sera champion de France et le vainqueur sera 4e en Lorraine. Donc 32 inscriptions équipes comprises, 2 non partants; Didier BEAUMONT m’a confié être désenchanté, je le comprends. La Marche n’attire pas les foules je m’en suis rendu compte depuis que j’y suis entré. Il y avait l’avant avec les foules et il y a l’après. Pourtant nos médecins préférés nous encouragent à marcher... Vallée du Morin Lever 6h, le ciel, étoilé à souhait annonce une belle journée d’automne. Face à moi, me surplombant, Orion la belle magnifique et majestueuse. Au travers de mon collant lycra, je sens la fraîcheur du petit matin, shhhhhh ! ça saisi et ça réveille ! Au loin, venu des bois, la chouette pousse son ululement, des lambeaux de brouillard sont accrochés aux arbres, d’autres, piégés dans les vallons stagnent dans l’attente que le soleil les efface. Quelle belle sensation d’avoir voulu reprendre un dossard afin de savourer le goût inimitable de la compétition et voir ce qu’il restait des acquis des années passées à vivre et penser « marche » sans jamais rien lâcher. Après notre semaine à marcher quotidiennement de 9 à 17h sac à dos en Lozère, c’est donc ici en Seine-et-Marne que l’idée de redevenir un temps compétiteur de grand fond va se redessiner. C’est entre chiens et loups que nous quittons le moulin de la Planche de nos amis les « russkov ».Etampes-sur-Marne, nous voici au milieu des nôtres, écoutant les consignes de l’organisation. Il nous reste 8h à marcher en individuels ou en relais. Aussi loin que l’on puisse voir, le ciel est bleu roi, il le sera azur dans quelques heures. Le vent est frais, il le restera durant toute l’épreuve. Il est 8h, je pense à mon beau-frère qui dans…8h va se lancer sur les 6 jours de France, la sensation du grandiose me traverse. Nous nous sommes pour la plupart reconnus, salués, embrassés, enlacés à force de tapes dans le dos. La marche sportive est conviviale et les retrouvailles sont joyeuses. Le jour se lève. Les discussions d’avant départ vont bon train : ça y est, vous avez réussi à sortir de votre Bourgogne ? vous revenez ? t’as des nouvelles du Paris-Colmar ? c’est l’bazard ! silence de plomb et rumeurs, pas beaucoup de considération pour les marcheurs ! où est Frédéric ? il marche à partir de ce soir sur les 6 jours de France à Privat. Wouaouh ! Le frère d’Elisa est un sacré gaillard ! sinon quoi ? On est inscrit sur l’Intégrale Riquet pour juillet 2015, 240km entre Agde et Toulouse le long du canal du midi, ça nous a branché, alors on est venu commencé la préparation ici…l’annonceur précise : les concurrents passant la ligne après 7h45 seront stoppés. Avec Elisa, nos regards se croisent d’un éclair, allons-nous retrouver ici notre quasi-spécialité d’antan, c’est-à-dire passer la ligne à 1mn du gong ? Le jeu est tentant mais le chrono en détiendra la clef. Nous sommes venus ici pour tester nos corps et renouer avec quelques douleurs, notre mental de combattant endurant est forgé depuis longtemps. Nous replongeons dans le Grand Fond. La trentaine est alignée sur le départ-arrivée. Je reste sagement en arrière, tout comme en 2003 au départ du dernier Paris-Colmar de 500km, ça m’avait assez réussi…j’avais découvert puis appliqué cette méthode personnelle de préparation mentale en 2002, le fait de remonter progressivement au classement me donnait la force de tenir jusqu’au bout des 24h ; j’avoue que démarrer dans les derniers puis remonter à sa main est une sensation exceptionnelle…à l’arrière pour le plaisir d’observer tous ces multicolores s’élancer sur le bitume étampois. Je glisse dans mon oreille gauche mon écouteur intra auriculaire, j’enclenche la lecture de mon mp3. Un ultime filtre brumeux diffuse les couleurs du paysage, je suis saisi dune sorte d’euphorie fugace, je me sens bien. Le coup de feu du départ est donné. Devant, ils ont filé. 200m et virage à 90°, plongeon dans le couloir de la rue des lilas. Au loin, en face, le soleil couronne les hauteurs de Château-Thiérry. Alain BASHUNG me chante « toujours sur la ligne blanche » ; je suis venu ici pour la retrouver. Je passe 3 marcheuses en pleine conversation, Isabelle LEGRAND, Noëlle LANDRU et Cécile CYS. Elles marchent enjouées. Bonne causette les filles ! elles rient. Mon 1er tour sera consacré à me réapproprier le circuit et saluer d’un grand bonjour chaque signaleur et ravitailleur et les remercier de nous assister. Le tour suivant sera consacré à la concentration et au style. La ligne droite de Montmirail permet de se conditionner, virage à angle droit à son extrémité et à nouveau quelques hectomètres plat où le souffle vient s’imposer. Et la côte de Nogentel commence, elle se partage en 3 parties, une douce pour la mise en bouche, suivie d’une plus technique et pour finir un mur de quelques dizaines de mètres, ravageur des organismes les plus vaillants au point d’en rompre certains trop téméraires, ici, il faut gérer, ça s’apprend vite ! Au sommet, le cœur peut atteindre les 190 sans sourciller et il faut ingurgiter « ça » durant 8 heures, mais un marcheur digne de ce nom ne se rebute pas face à une côte, il s ‘y défie. Second tour, cette fois-ci c’est bien parti ! Sur Château-Thierry, Le clocher de St Crépin s’illumine ; à l’ouest, dominant la vallée, l’imposant et fascinant monument américain de la côte 204 et sa double colonnade qui capte le soleil, j’y jetterai une œillade intéressée à chaque tour ou presque. Je regarde mes pieds quitter le trottoir pour rejoindre la rue, je souffle cadencé 1-3 ou 2-2 selon la difficulté du moment et le besoin. La rue bombée, j’opte de filer sur une étroite bande bitumée confortable à marcher, je prends toutes les cordes, mes réflexes de chasseur de bitume sont bien présents, je n’ai qu’à les réveiller et les appliquer implacablement et tout ira bien, seuls quelques kilos emmagasinés ces dernières années modèrent mon ardeur, mais le reste est là. La côte…à son sommet je me dis « ça promet ! ». Comme convenu, Elisa me relaye pour un tour. Elle est revenue marcher ici à froid, à l‘instinct. Son dernier dossard remonte à 2008, mais…Elle n’a rien oublié ! Le corps mémorise tout et après une longue période sans compétition, il répond présent ; la gestuelle se remet en place, le souffle cadencé revient, la foulée particulière se dépoussière émerge et s’impose. Assis sur mon pliant, j’observe et capte quelques bribes de conversations – t’es dans les chronos go go ! – t’emballes pas, 8h c’est pas que du gâteau - mange ce que j’te donne, toi tu marches…! et soudain je perçois du russe. Sergeï MOMSIK est ravitaillé par un congénère en survêtement. Cette silhouette de dos, c’est avec trouble que je reconnais ce champion, sa façon de parler, ses gestes apaisants et suffisamment forts pour vous insuffler la force à marcher encore et encore. Alexei RODIONOV le grand est là, aux côtés de son copain , il le ravitaille, le renseigne, le drive…l’autre applique à la russe, impressionnant de les voir tous deux à l’ouvrage ! Le regard d’Alex est toujours à la fois rieur et incisif, ce petit sourire bien à lui qui vous dit tout va bien même si… La chance est passée et il l’a chipée pour j’espère la garder à son côté sans divaguer. Quel joli moment de bonheur de retrouver le grand marcheur russe, ce vainqueur du Paris-Colmar, ce recordman du monde des 100km marche et de lui parler, nous nous sommes reconnus et congratulés, c’était bien. Je regarde ma montre, il était temps, Elisa se profile au bout de la rue, je m’approche pour la relayer et voilà qu’elle me fait comprendre « je continues pour un tour ». La tête entre ses écouteurs, elle passe bon train, sa foulée de grande routière est là, je suis estomaqué, 12 ans après, tout est là. Mi-épreuve, relais, l’équipe des « players » mène devant les « étampois » et nous. Les players mènent d’un tour, les jeux sont pratiquement faits, nous sommes à quelques dizaines de mètres des seconds, ils sont 3 équipiers, nous sommes 2, mais l’esprit de lutte est revenu et nous nous accrocherons jusqu’au dernier hectomètre. Une équipière me passe sous les yeux, je viens de m’élancer, dans la descente, galopette galopette ! peu importe si c’est involontaire, il est vrai que le style de la concurrente s’y prête mais mon sang ne fait qu’un tour, la révolte sonne. Arrivée sur le plat, la marcheuse se retourne plusieurs fois…eh oui ! je reviens à l’arrachée au son de Led Zeppelin. En haut de Nogentel je serais à 10 foulées de son dos. Il en sera ainsi jusqu’à l’arrivée. Cédric VARAIN passe, le marcheur est beau et efficace, ses ravitailleurs sont aguerris, aller ! Philippe MOREL s’étonne de me voir assis, je lui souffle en 3 mots notre relais, aller ! Phil file. Eric BOUFFLERT passe et repasse, aller ! Du haut de ses 195cm Nicolas CHATILLON est revenu à la compétition, il est bien, serein et dit devoir se renforcer tant il est grand, la dernière heure de son épreuve sera délicate, aller ! Florian LETOURNEAU et Fabrice HENRY se suivent en une poignée de secondes, le premier cité l’emportera pour 12 secondes et 69.6km, belle joute entre les 2 marcheurs ! Le style Daniel BORDIER m’a toujours interloqué. D’apparence nonchalante, Daniel chaloupe avec des enjambées de plus d’un mètre, à le voir, la marche de grand fond semble si simple ! Daniel le colmarien est un lascar du bitume bien sympathique. Aller ! Au passage il me confie vouloir tenter de rester dans le sillage d’Elisa puis abdique. Ici, ma grande routière se sent bien et ne lâche rien. Frédéric CHABAIN manquera le tour des 63,8km pour 2mn48’’, cela m’ennuie pour lui, il n’en saura rien. Didier BEAUMONT, l’organisateur, s’inquiète des marcheurs venus seuls en leur installant un point d’eau après la banderole de passage, l’idée est bonne et ils apprécient. Gérard PICOT tourne et retourne, j’ai plaisir à le revoir, 28h de Roubaix, 8h d’Etampes, Gérard apprécie mettre un dossard, son expérience d’Audax lui assure quasiment de terminer ses épreuves sans trop de maux, 2015 sera pour lui l’année du Paris …Aller ! Jean PICHON marche encore et toujours, l’octogénaire est un accrocheur de première, vous arrivez derrière lui puis à sa hauteur, soudain il relance, extraordinaire tempérament combatif, respect Jean. Aller ! Sergueï MOMSIK s‘annonce, son copain Alex lui donne un chrono, le russe se lance à la poursuite du champenois Alain PELLERIN qui conservera sa 5ème place pour 3 secondes…chaud chaud ! Relais, 45’’ d’avance sur le gong suffisent à Elisa pour nous offrir un dernier tour. Egalement changement d’équipier pour les « étampois » 150m devant, J’ai enfourné mon écouteur gauche, les cornemuses pleurent la dernière charge de 2900m. La chasse se terminera passé le sommet de Nogentel sur les talons du relayeur étampois , Elisa m’attendait pour finir ensemble, j’ai relâché. Les 8h d’Etampes sur Marne 2014, c’était bien, merci à Didier BEAUMONT et les siens. Réflexion : Frustration non ? La Marche, athlétique ou sportive souffre d’être reconnue comme sport de compétition (ne pas confondre avec le sport-loisir que je considère comme une édulcoration du mot sport au sens pur du terme sinon, il s’agit d’un simple jeu et non d’un sport.) Tout sport est par définition technique, difficile, long voire très long, la marche demande un investissement temps au-delà de tous les autres, La Marche est une certaine idée du sport. Je l’ai découverte au détours d’un Miroir des Sports puis j’ai plongé dans le chaudron, la marche de nuit me plaisait. l’initiation du goût au sport ne devrait-il pas être dans les manuels scolaires ? …. Je pense que « Leur » sport-loisir tue à petit feu l’esprit du sport-compétition . Pratiquer un sport sans faire connaissance avec le mal et gérer la moindre douleur…une ineptie née dans des cervelles bisounours ! B.Th. _________________ Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador) J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France) “Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char[/i] Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.
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