Emile ANTHOINE est né le 9 juin 1882, il y a 130 ans aujourd’hui.
Dans le cadre d’une rénovation du centre urbain de la ville de COLOMBES (92), des bornes de 2m de haut recto verso en métal retraceront l’histoire de cette commune de la banlieue parisienne à travers des témoignages de personnages y ayant vécu. Une située près de l’ancien domicile d’ Emile ANTHOINE lui rend hommage. En voici le texte :
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A l'époque, le baron Pierre de COUBERTIN chapeautait les fédérations de sports amateurs. J'allais le trouver, un jeudi matin. Il refusa de me recevoir. Je n'avais que 13 ans, mais j'étais déjà teigneux. Tant pis ! Dis-je à l'huissier, je sais qu'il n’y a qu'une sortie ; j'attendrai ici le temps qu'il faudra. Au bout d'une heure ou deux, Pierre de COUBERTIN, mi-excédé, mi-amusé, vint me voir dans le hall et demanda :
« Si je n'étais pas venu, qu'est-ce que tu aurais fait ? » « Vous seriez fatalement sorti, et puis, de toute manière, je sais que vous habitez rue Oudinot ; je serais allé là-bas » « Tu serais venu chez moi ? » « Oui » « Mais ce n'est pas correct ! » « Il fallait absolument que je vous parle ; Je viens de créer un club ; voici tous les papiers ; il ne me manque que votre autorisation. »
Un peu stupéfait, le rénovateur des Jeux Olympiques lut toute la paperasse ; tout semblait parfaitement légal. Lorsqu'il eut fini de lire, il me dit :
« C'est très bien, mais quel âge as-tu ? » « Treize ans ! » « As-tu une personne majeure dans ton organisation ? » « Non » « Alors, c'est impossible. Tout est en règle, par ailleurs, mais il faut quelqu'un de majeur dans ton club. Tu n'auras pas d'autorisation »
Je me souviens encore de ma fureur......
…..En 1903 c’était le premier BORDEAUX-PARIS pédestre ; 611 kilomètres en cinq jours ! Mes parents ne voulaient pas que je dispute cette épreuve. Je devais partir au régiment quelques jours plus tard et ils ne tenaient pas à ce que je laisse ma santé dans cette galère. Non sans mal, je réussis à les convaincre, en leur assurant que je disputerais Bordeaux-Paris simplement pour m'amuser, mais que je terminerais, tout de même, dans les cinq premiers. Mes parents n'y croyaient guère mais ils me laissèrent partir, espérant secrètement me voir abandonner.
En guise d'entraînement, j'effectuais le parcours aller-retour du Carroussel au pont de Puteaux, soit 18kms, deux fois par semaine. Malgré mes performances antérieures, on disait : il est trop jeune, il va se tuer, c'est de la folie de le laisser partir... Les favoris étaient Péguet et Ramogé, les cracks du moment.
François PEGUET, 42 ans, triompha, mais il arriva à PARIS beaucoup plus tôt que ne le prévoyait l'horaire, vers 7 heures du matin. Les boulevards étaient déserts et PEGUET rentra chez lui, à peu près incognito. J’arrivais second, à 15 heures, ce qui fait, qu'une fois de plus, la chance me souriait ; j'avais pour moi la population parisienne... et ils étaient plus de 100 000 sur les boulevards ! On n'a jamais revu ça !
Emile ANTHOINE - 1882-1969 - habitait 49 rue des Gros Grès
Il reste le seul athlète à avoir détenu, en même temps, le record de France des 100kms de course et de marche, avec des performances, 7h25 et 10h15 établies en 1902, qui le classeraient, encore aujourd’hui, deuxième dans les deux spécialités aux Championnat de France en 2011 !
Actif dans une trentaine de disciplines, il a battu (marche + course) 21 records du monde et 85 records de France. De 1911 à 1913, il est Champion de France du 100m, du 400, du 1500, du saut en hauteur, en longueur, du lancer du poids et du disque !!!
Il a créé, en 1925, la Fédération Française de Marche, qu’il dirigeât jusqu’à sa mort.
Il a aussi créé en 1926 PARIS-STRASBOURG à la marche.
En 1958, il fut désigné par la presse sportive Premier Sportif de France .
A l’âge de 79 ans, il déchirait encore, en une seconde, un jeu de 32 cartes en deux !
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Un journaliste de l’époque, Jean DAUVEN dans « Le Chasseur Français », a écrit des choses admirables sur ce dirigeant hors pair :
« homme d'acier, il n'en surgit pas un par génération. La marche avait été laissée en 1924 pour morte dans le ruisseau. Il recueillit la victime, la dota d'une Fédération à elle et en moins de deux ans, de cette Cendrillon il en fit une Reine ».
En 1924, à la suite d'un incident d'arbitrage survenu au cours de l'épreuve de marche des Jeux Olympiques de Colombes, la Fédération Internationale d'Athlétisme Amateurs ne reconnaissait plus le sport de la marche dans ses attributions et supprimait championnats et records. En 1925, Emile ANTHOINE quittait la Fédération Française d'Athlétisme et créait la Fédération Française de Marche devenue l'Union Française de Marche en 1929 après sa reconnaissance officielle par le Haut-Commissariat aux Sports.
Quand en 1926, il créa la marche PARIS-STRASBOURG, ce coup de tonnerre força l'attention du monde entier et remua les masses autant que le TOUR DE FRANCE cycliste.
Ce conte de fées se poursuit toujours avec l'épreuve PARIS-COLMAR qui va s’élancer prochainement grâce à la ténacité de Jean CECILLON et son équipe.
Et peut-être qu’un jour, sur cette route de légende, un Roi à nouveau récupèrera le si joli soulier de CENDRILLON pour en faire une Reine…
Alain MOULINET