Les deux heures d’Ablancourt ou impressions colmariennes du bas côté de la départementale blancourtienne jeudi 23 juin de 16h30 à 18h30.
Ablancourt km157, 10km avant Vitry-le-François. Avec le compère Rémy GUTIERREZ, grand accompagnateur de marcheurs devant le camion, nous dominons le paysage. Là-bas, dans le vallon où serpente la départementale, au détours d’un virage, les marcheurs se présentent un à un sous le soleil implacable. Ainsi postés avons-nous le temps et le loisir d’apercevoir d’abord le véhicule suiveur avançant à l’allure du marcheur invisible encore, puis de les voir approcher, les deviner, les voir grandir, les détailler, jauger leur allure, s’ils sont en difficulté ou non, escortés d’un équipier marcheur ou cycliste. Chacun d’eux sera encouragé, nous savons trop ce qu’un marcheur ressent dans ces instants-là.
David REGY tient alors fermement la tête de l’épreuve, mais de par le départ décalé de la veille à La Ferté-sous-Jouarre, le premier à se présenter est Daniel FAUBERT, suivi à vélo de Denis LANGLOIS et entraîné à pied par Sébastien BICHE… du beau linge ! Daniel penche déjà à droite de manière prononcée, inquiétant ! Pour lui, le repos de 2h à Bar-le-Duc, 70km plus loin, se prolongera bien au-delà du temps imparti. Une fois reparti, le marcheur résistera jusque Toul km289, son corps a cédé. 7 minutes plus tard David REGY passe serein suivi à 30mn de Philippe THIBAUX alors 3e de l’épreuve, dont rien ne laisse supposer son arrêt médical quelques kilomètres plus loin; suivent Dmitriy OSIPOV sachant pertinemment ne pas avancer dans la zone rouge fatidique, Pascal MARECHAL efficace, Urbain GIROD escorté de son cycliste porteur du drapeau suisse, Gilles LETESSIER concentré, Dominique BUNEL puissant, devançant de trois foulées Vincent PETER solide et déterminé, Jean-Marie ROUAULT passe en grand fondeur qu’il est, drapeau tricolore flottant à son véhicule, Philippe VIT viendra tête rejetée en arrière semblant suffoquer. Serguey LUKIANOV du Tarentul St Petersbourg ( Tarentul, nom de club singulier, non ?) se présente ; son visage préoccupé nous offre un petit sourire grimaçant lorsqu’on l’encourage de nos davaï davaï Serguey ! Deux individus corpulents paraissant peu communicatifs le talonne dans un « Qashqai ». Au sommet de la côte, le véhicule se porte à la hauteur du russe, une main sort de la portière, tendant un bidon à Serguey. Le marcheur absorbe deux gorgées, redonne le bidon à la main qui disparaît promptement. Le marcheur de l’Est plonge dans le village. Je frissonne d’émotion en pensant aux conditions d’accompagnement réduites au plus simple appareil de ce marcheur russe par rapport à certains autres entourés d’un confort riche pour, parfois, un résultat incertain. Marcheur russe, quelle combativité, quelle ténacité, quelle âme ! L’ envie soudaine d'aider ce valeureux combattant du bitume, m’envahit. Pascal BUNEL absorbé par ses pensées nous offre clin d’œil et sourire en coin. Pascal DUFRIEN, le dégustateur friand de glaces, aux pieds fraîchement requinqués après Pogny, défile avec son allure des beaux moments, son visage est radieux, un échange de deux mots et Pascal sourit, merci ! Le hongrois Zoltan CZUKOR arrivera ravitaillé par une charmante accompagnatrice attentionnée au beau sourire encourageant – pour le marcheur il va de soi ! Zoltan nous remerciera en français de nos encouragements. Pascal THEVENIN fermera la marche, il avançait alors bien. Nous sommes rentrés chez nous suivre l’épreuve sur ce bel outil mis en place sur le site officiel http://www.pariscolmaralamarche.fr/ afin de suivre la progression des concurrents. Nous n’aurons vu ni Daniel DIEN ni Alain PELLERIN, sans nouvelles d’eux, nous sommes repartis soucieux. Nous connaîtrons leurs déboires plus tard.
De Neuilly-sur-Marne à Colmar par téléphone et internet.
Neuilly-sur-Marne 19 au départ. Epernay km97, tout le monde passe, Chalons km133, itou. Mais dans la nuit, la grêle les ont agressés, en matinée des pluies fines ont suivies, le tronçon ensoleillé de plomb Epernay-Chalons les ont accablés, et ont fragilisés leurs corps. L'inéluctable cycle d’ élimination des plus diminués était en route. Sortie de la ville de Chalons, une tendinite sous la voûte plantaire stoppe définitivement Alain PELLERIN. 5km avant Vitry, Daniel DIEN le loquace était arrêté par les médecins. Comme en 2009, il penchait tant à droite, que son équilibre n’était plus suffisant pour avancer sans risquer de chuter à chaque pas. A 4km de Vitry, les tendons de Philippe THIBAUX jettent l’éponge. Ces 3 là pourtant fringants à Condé km115 ont subit mille maux quelques dizaines de kilomètres plus loin au point de devoir lâcher leur rêve. Le temps cautérisera.
Vitry-le-François km167, 16 marcheurs poursuivent et La François 1er de 297km lance ses 26 concurrents. Quelle bonne idée cette formule, et heureusement pour les spectateurs car les 210km reliant Vitry à Baccarat vont réduire sérieusement la chenille.
Bar-le-duc km220, repos de 2 heures, 4° au matin 25 en journée. Les corps sont tourmentés. La réduction du nombre de marcheurs continue. Une entorse déclarée la veille, se propageant, oblige Vincent PETER à accepter l’avis des médecins à Pagny-sur-Meuse km275 . Sur la François 1er, Jean MARECHAL est sujet à des troubles alarmants contraignants les médecins à l’arrêter. Yvan OBIDOL subit les mêmes symptômes que Jean et David au même endroit chacun.
Toul km289, ils ne sont plus que 9 sur les 440km. Vitry-Toul, 122km auront été fatal à 45% des concurrents. David REGY mène la danse depuis Paris. Rien ne semble pouvoir venir l’inquiéter, David gère le russe qui est à 45mn derrière. Mais à 30km de Baccarat, un malaise le terrasse... évacué d’urgence sur Nancy, le grand marcheur voit la victoire lui échapper. David REGY hospitalisé, le boulevard vers Colmar s’ouvre à Dimtryi OSSIPOV. Urbain GIROD lâche prise dans la nuit à 3h vers St Clément km362 si près de Baccarat, quelle guigne ! Cette 3e nuit aura écarté bien du monde de la grande épreuve.
Baccarat km376 , ville étape, 7 restent en marche. Ils redémarrent de Corcieux. Dominique BUNEL, Pascal BIEBUYCK et Pascal DUFRIEN se suivent en 26 mn. Col du calvaire Pascal BIEBUYCK est arrêté. Ils termineront à 6. Gilles LETESSIER fond sur le râble de Pascal MARECHAL et lui chipe la 3ème place.
La François 1er
Femmes 10 au départ 4 à l’arrivée
Dominique ALVERNHE en tête de 6 secondes après le prologue n’aura de cesse de creuser l’écart sur la seconde pour le porter à 2h16’38’’ à l’arrivée.
Des 10 élancées à Paris, 9 restent en marche à Baccarat km235 avec un écart de plus de 8 heures entre la femme de tête et Bernadette QUINQUETON…
9 au départ de Corcieux donc, 4 à Colmar…la dernière étape de 63 km a été spécialement meurtrière, la montée du col du bonhomme nouvelle formule, bucolique, avec des pentes à 20% suivie de l’assaut du Col du calvaire dominant le lac blanc n’y sont pas étrangers. Avant cela, les 210 km non-stop Vitry-Baccarat avaient dû sérieusement les affaiblir. Et cette Maggy LABILLE, magnifique 3ème au style si fluide, belle à voir marcher !
Hommes 13 au départ 5 au final.
Sur la François 1er hommes, le scénario aura été le même. 5 des 9 marcheurs repartis de Corcieux atteindront Colmar. Accessit au tchèque Jaroslav PRUCKNER qui a marché 502 km lors des 6 jours d’Antibes…15 jours avant le Colmar, il est arrêté à Fraize au pied du col du Bonhomme km 387, impressionnant, non ? Comme quoi deux épreuves « énormes » à si peu d’écart peuvent être compatibles…chez les grands fondeurs.
Je salue Yves DOGUE, pour son article du 24 juin dans l’UNION. Ce journaliste a eu la convenance de ne pas utiliser le terme que nous haïssons : « abandonné », terme si peu respectueux pour des marcheurs qui mangent des kilomètres de bitume. Seul un marcheur sait expliquer ce point de rupture qui l’oblige à s’arrêter et il faut un jour avoir vécu cela pour savoir combien de mois sont nécessaires pour se remettre de cette désillusion, le mot n’est pas trop fort, et accepter mentalement de remettre ses baskets. Dommage que d’autres rédacteurs moins inspirés ne s’en soient pas privé, sans aucun doute n’ont-ils jamais marché en de telles conditions.
2011, 19 au départ 6 à l’arrivée pour 439 km. 2003, 22 au départ 8 à l’arrivée pour 515 km. Le temps passe. 4, 5, 6, ce sont les nombre d’arrivants à Colmar. Sur la François 1er , 4 femmes et 5 hommes, 6 hommes sur le grand parcours, il était temps que cela finisse.
535 520 440km à pied, comme ces épreuves sportives légendaires adaptées à certaines contingences de notre temps, Paris-Colmar, le Colmar fera encore rêver. Remercions-en les « réanimateurs » et tout particulièrement Mme Anne-Marie NOIR pour qui nous avons une grande estime.
Quant à la François 1er, 300 km ouverte de…7 à 77 ans (humour), elle est bien aguichante pour s’y préparer une fois, ne serait-ce qu’une fois pour le merveilleux goût de la marche de grand fond.
439 et 297km, ont donc été les kilométrages à parcourir sur la nouvelle version du Colmar… sauvegardé ! 2011 a fermé ses portes, grâce à un travail énorme des responsables, la reprise de l’épreuve est réussie. Plus de compétiteurs sont espérés par tous. La marche de grand fond nécessitant un tel sacrifice de temps et du quotidien ce durant des mois voire des années, me paraît l’un des éléments d’explication au manque de marcheurs, la marche est un sport pour gens forts ou appelés à le devenir.
Le Colmar 2012 a été annoncé, les cartes routières sont déjà sur la table, vous pouvez continuer de marcher. Les circuits de Graide en Belgique les 20 et 21 août, St Thibault des vignes les 2 et 3 septembre et Vallorbe en Suisse les 1er et 2 octobre attendent vos pas pour vous lancer ou vous relancer…osez ! Vous aurez aussi le Grand Prix de Bourges, les 100km d’Etampes-sur-Marne et la fameuse Voie Sacrée pour confirmer que cette satanée idée de marcher est encore en vous et vous fait toujours rêver.
Je remercie Guy Destré, Guy Legrand, Daniel Dien, Pascal Dufrien ainsi que et les parents de Vincent Peter de m’avoir confié leurs histoires bitumées.
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Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador)
J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France)
“Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char[/i]
Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.