Merci Roger pour ces rappels historiques. Le passé sera toujours une source inépuisable d'inspiration pour les générations futures et la vie d'Emile ANTHOINE mériterait d'être enseignée dans nos écoles de marche.
Je me suis permis de changer de rubrique pour rendre hommage à cette légende du sport qui s’est éteint il y aura quarante ans le 14 décembre prochain.
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Sa vie est un roman et malheureusement à ma connaissance aucune biographie n'a été publiée.
Avant d'être le grand dirigeant que l'on sait il fut aussi un immense champion.
Pour ne citer que quelques unes de ses performances: en course à pieds sur piste ( et ce n'était pas du tartan!!!) 1'57 au 800 en 1910; 2'35 au 1000 en 1909; 15'29 au 5000 en 1907; 32'57 au 10000 en 1903; 1h08' 44 au 20000m en 1906.
Il fut aussi le seul athlète à détenir le record national des 100 km de course et de marche: 7h25 et 10h15.
Son plus grand exploit athlétique fut peut-être son record du monde établi autour de l'hippodrome de Longchamp à PARIS en 1913: 4h22'47.
Mais c'est surtout par son éclectisme qu'il force l'admiration. Car il ne se contentait pas de ces exploits chronométriques, c'était un homme de défi. D'ailleurs, de son propre aveu il s'entraînait très peu, il s'amusait...
Et en guise d'amusement il se classa second d'un PARIS-REIMS 172 kilomètres en un peu plus de 20h. Un peu plus tard en octobre 1903 il termina encore second de BORDEAUX-PARIS 611km en 5 jours à 21 ans.
Ce BORDEAUX-PARIS le rendit célèbre, car le vainqueur François PEGUET, 42 ans, arriva à PARIS beaucoup plus tôt que ne le prévoyait l'horaire. A 7h du matin les boulevards étaient déserts et PEGUET arriva incognito. En revanche le jeune Emile ANTHOINE arriva à 15h. Cent mille personnes lui firent un accueil absolument délirant. La garde républicaine à cheval fut balayée par le torrent de la foule. Cent mille personnes sur les grands boulevards on n'avait jamais vu cela!
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Après cette carrière sportive d’exception il entama une carrière de dirigeant qui le fut tout autant.
La comparaison avec le Général de GAULLE est judicieuse, car bien évidemment si ce ne fut pas à la même échelle, pour le monde de la marche il représente l’homme de la résistance face aux caciques des autorités sportives de l’époque .
Après des problèmes de jugement sur le 10000m piste des Jeux Olympiques de PARIS en 1924 (seule épreuve au programme !), les autorités sportives internationales décidèrent de rayer la marche du programme des Jeux.
En franc tireur il s’opposera à l’autorité des pouvoirs établis et créera en 1925 une fédération de marche indépendante : l’Union Française de Marche.
En 1926 il donnera naissance à la plus prestigieuse épreuve de marche au monde : PARIS-STRASBOURG qui connut tout de suite un succès aussi retentissant que le Tour de France cycliste de l’époque.
En 1929 le Haut- Commissariat aux sports accordait à l’U. F.M. la reconnaissance du gouvernement.
Et en 1932 non seulement la marche redevenait Olympique, mais grâce à l’inlassable combat et la force de persuasion d’Emile ANTHOINE, ce fut un 50km qui sera consacré distance olympique.
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Sacré Emile, comme j’aurais aimé te connaître de ton vivant. Par une étrange ironie du sort c’est à l’automne 1969 que ma vocation de marcheur est née au moment où Emile ANTHOINE nous quittait.
Grâce à Francis JENEVEIN qui fut ton secrétaire et te succéda à la tête de l’UFM, avant d’être Président de la CNM au sein de la FFA, STRASBOURG-PARIS renaissait de ses cendres.
Et par un article publié dans le PARISIEN LIBERE qui annonçait le premier circuit sélectif de STRASBOUR-PARIS 1970, le circuit de l’EURE sur 170km, je me lançais dans l’aventure. Dès l’hiver 1970 je participais à mon premier brevet de marche des 30km au bois de Vincennes, et trop jeune encore pour STRASBOURG-PARIS je m’essayais sur les courtes distances.
Comme moi des générations de marcheurs poursuivront le chemin tracé par Emile ANTHOINE.
Et j’espère qu’un jour au Paradis des marcheurs on se retrouvera tous à tes côtés pour faire la fête sur la route.
Adieu Emile…